Analyser, identifier, construire la confiance...
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- Publié le mardi 3 juillet 2018 09:17
Je vous remercie car vous avez été nombreux à réagir et à me faire part de vos commentaires et de vos questionnements, que je publierai à nouveau en dessous de ce texte de blog (un peu plus bas). Nombreuses de vos remarques portent sur les dimensions psychologique et pédagogique, ce que je trouve passionnant et en lien avec la réflexion que je souhaite développer avec vous.
Dans mes chroniques les plus récentes pour l’Esprit du Judo, j’ai proposé une réflexion sur le thème « que faut-il entraîner ? » ainsi qu’un autre article que j’ai intitulé « structurer le combat » ou la genèse du plan du métro - judo (à lire ici). Ces deux textes proposent d’analyser des principes et des mécanismes qu’il vaut mieux considérer lorsque l’on veut être efficace en combat.
Toujours dans la précédente, qui était dense, j’avais mis la focale sur la capacité décisionnelle et les qualités bio informationnelles (perception et lecture des signaux, réflexes et mécanismes d’ajustement de l’équilibre et de la posture, réactivité, déclenchement, etc.). J’ai dit qu’il y avait emboîtement ou imbrication de cette dimension avec la dimension mentale (qualité de concentration, de contrôle émotionnel, confiance) et avec l’intelligence tactique (identifier et comprendre les situations, structurer le combat, sélectionner une réponse pertinente dans le répertoire des possibles). L’ensemble des deux chroniques résume à peu près ce qu’on appelle « la dimension cognitive ». Parfois les auteurs limitent ou associent cette dimension à la tactique. Mais c’est plus juste si les processus de traitement des infos conscients et inconscients sont intégrés à cette dimension. La dimension cognitive ce n’est pas que l’intellect et la mémoire et ça n’est pas que les réflexes et les signaux (sensations), et aujourd’hui on ne la dissocie plus de l’intelligence émotionnelle.
S’il y a fort à parier que la génétique joue un rôle important pour ce qui concerne les qualités posturales, d’équilibration et de réactivité, de réflexe, etc., on peut aussi penser que structurer sa tactique et analyser les situations de combat, c’est assurément quelque chose qu’on peut apprendre, perfectionner et entraîner.
C’est pourquoi je vous ai parlé de ma modélisation du combat en 5 phases dans ma dernière chronique (Genèse du « plan de métro » du combat de judo). Car identifier et comprendre, voir clairement à chaque instant sur quoi il faut rester concentrer ça aide bien… Et notamment à résoudre le dilemme : Concentration + Prise de Décision / contrôle des pensées et des émotions. En d’autres termes plutôt que de se polariser sur un faux problème (contrôler ses émotions et ses pensées), c’est beaucoup mieux de fixer son attention sur les bonnes variables, sur les événements ou les composants qui permettent d’amener la solution. Encore faut-il que les athlètes judokas connaissent ces variables et soient capables de les activer par eux-mêmes dans l’instant opportun de la situation. Voilà sans doute l’une des clés du processus d’entraînement et de la préparation. Et d’ailleurs dans la vie de tous les jours c’est souvent la même chose. Imaginer un instant qu’une personne qui vient a Paris pour la première fois lors d’un rendez-vous très important, soit « lâchée » dans le métro sans aucun plan ni aucune information… Comment réagirait cette personne ? Par ou ou par quoi commencer alors que le temps presse et que l’occasion de ce RDV ne se représentera pas ? Un tel scénario est comparable à ce que peut vivre un athlète lorsqu’il se sent démuni de solution tactique et technique pour affronter certaines situations. Et cela peut finir en panique ou dans une attitude de renoncement, ce que les entraîneurs jugeront parfois avec trop de sévérité alors qu’ils sont eux-mêmes en partie responsable. Tout ceci montre bien en tout cas l’importance de la dimension cognitive dans la préparation et lors des entraînements quotidiens.
Quand les athlètes prennent conscience des facteurs sur lesquels ils peuvent agir pour contrôler une situation, un adversaire, pour créer un espace ou (et) un déplacement, pour déstabiliser ou fragiliser, c’est comme un rayon de lumière (parfois après un long tunnel) car ils peuvent entrevoir puis visualiser la solution. Une émotion positive viendra alors sans doute renforcer l’athlète dans son envie et son engagement, sa confiance dans cette solution nouvellement élaborée après tant de travail et parfois même de longues phases de frustration. Analyser et observer, faire l’effort de comprendre pourquoi on le fait, pourquoi on a réussi dans telle situation et pourquoi on a raté dans telle autre…
Apprendre et devenir conscient des facteurs de réussite (ou d’échec) renforce le sens et l’intérêt du travail et de la pratique quotidienne. Jouer avec les interactions entre tous ces facteurs va booster l’intelligence de jeu, créer de nouvelles dynamiques de combinaisons, retrouver du plaisir de se sentir créatif en ouvrant à nouveau les possibles sans voir vraiment s’il y a une limite au progrès.
L’entraîneur en posant des questions, peut parfois aider l’athlète à déclencher cette dynamique. Mais l’inverse peut se produire également, quand le prof (ou l’entraîneur) est trop présent, quand il impose ses solutions ou donne trop d’informations, d’une certaine façon, il « empêche l’élève ou l’athlète d’apprendre »…
Au plaisir de vous lire !