+2#Une petite Histoire de la progression française —
musashisan04-03-2019 23:11
Dans progression, il faut entendre ce qui permet de projeter des progrès pour les élèves, la volonté de les voir évoluer pour se transformer, ici en l’occurrence en judoka. Cette progression est évidemment dépendante de la représentation que nos avons de ce qu’est ou devrait être un judoka compétent. S’attacher à définir ce qui caractérise la compétence chez un judoka devient alors essentiel. Notre conception de l’enseignement en dépend, qui elle-même déterminera notre posture d’enseignant. Une conception (qui a la vie dure, faut pas croire !) consiste à penser l’apprentissage comme un empilement de connaissances (« Nous pensions qu’être bon en judo, c’était connaître beaucoup de techniques » … le fameux vase vide qu’il faut remplir ! On part donc d’une technique dont on s’efforce d’acquérir « la gestuelle ». Pédagogiquement, cela se traduit par une démonstration que l’on tente de copier au mieux. (Cf. Conception Shu Ha Ri de l’apprentissage). Cette conception repose donc sur le fait que la technique, (au sens d’acquisition gestuelle) est un but en soi… or elle n’est qu’un moyen de résoudre un problème et donc d’atteindre ce but! Il s’agirait donc de savoir reproduire une gestuelle pour être performant ! On a longtemps cru qu’il suffisait d’apprendre les mouvements de la brasse à sec, allongé sur un tabouret pour ipso facto savoir nager… la réalité a vite démontré qu’il n’en était rien ! (Encore faut-il s’entendre sur ce que veut dire « savoir nager » !) Les méthodes d’apprentissage dites actives sont apparues au début …du siècle dernier ! Les recherches les plus récentes en neurosciences viennent corroborer leur efficacité et ce n’est pas là leur seul intérêt dès qu’il s’agit aussi d’éducation. Qu’est-ce qui peut donc justifier ce que tu qualifies, non sans raison, d’ « attitude régressive et nostalgique d’une époque pionnière »… Je pense qu’il est important de chercher à comprendre ceux dont on ne partage pas l’avis. Leur motivation s’appuie sur un constat et un ressenti qui évoquent la perte de repères de plus en plus marquée dans ce que nous considérons relever de notre culture judo. (En tant que jury kata, il n’est pas rare de constater que des candidats ne connaissent pas le nom des techniques,… parfois pas même le nom du kata qu’ils viennent d’exécuter…) L’idée d’imposer une UV2 est alors perçue comme un moyen de lutter contre une perte du capital technique de notre patrimoine judo. Est-ce que cette UV2 est la panacée pour venir enrayer ce phénomène ? On peut légitimement se poser la question ! Personnellement je n’en suis pas convaincu. Ce credo repose sur le fait que les 41 techniques en Tachi Waza et 23 techniques en Ne Waza rendront tout « bachotage de dernière minute » impossible et imposeront donc nécessairement d’intégrer toutes ces techniques tout au long du cursus d’apprentissage des élèves… Que croit-on évaluer et qu’évalue-t-on vraiment ? Dans le cadre d’un passage de grade de Ceinture Noire, nous souhaitons vérifier les acquisitions dans le triptyque Shin, Gi , Tai… de fait , le risque est grand d’évaluer des connaissances (surtout livresques) et son corollaire, la capacité de mémorisation des candidats! Je voudrais terminer en rappelant combien je trouve la progression française de judo remarquable. J’ai eu la chance de sortir de l’Ecole Normale en 79 pour intégrer l’Ecole de judo d’Orléans où j’ai pu retrouver sous la houlette d’André DELVINGT, l’application concrète de ces méthodes actives en parfaite osmose alors avec ma formation d’instituteur. Elle s’appuie en effet sur une méthode d’apprentissage enseignement qui fait la part belle à l’activité de l’élève en le rendant acteur et non plus consommateur de ses apprentissages. La prise en compte du rapport duo/duel et des interactions qui le régissent est bien présente. Cela fait bientôt 40 ans que je prends plaisir à enseigner le judo et cette progression reste une source d’inspiration pour moi. Je te rejoins néanmoins lorsque tu parles d’approfondir certains aspects non traités ou pas assez traités par la progression française. La « situation problème » souvent utilisée est pertinente pour déclencher la mise en action de nos élèves et leur observation est souvent révélatrice de difficultés rencontrées. Mais elle n’indique en rien le travail à mener lorsque ces difficultés sont persistantes. Quel travail de fond mener pour prendre davantage en compte les besoins identifiés ? J'ai beaucoup réfléchi à cette question et c’est un sujet passionnant sur lequel j’aurais plaisir à échanger avec toi.
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Cette progression est évidemment dépendante de la représentation que nos avons de ce qu’est ou devrait être un judoka compétent. S’attacher à définir ce qui caractérise la compétence chez un judoka devient alors essentiel. Notre conception de l’enseignement en dépend, qui elle-même déterminera notre posture d’enseignant.
Une conception (qui a la vie dure, faut pas croire !) consiste à penser l’apprentissage comme un empilement de connaissances (« Nous pensions qu’être bon en judo, c’était connaître beaucoup de techniques » … le fameux vase vide qu’il faut remplir !
On part donc d’une technique dont on s’efforce d’acquérir « la gestuelle ». Pédagogiquement, cela se traduit par une démonstration que l’on tente de copier au mieux. (Cf. Conception Shu Ha Ri de l’apprentissage).
Cette conception repose donc sur le fait que la technique, (au sens d’acquisition gestuelle) est un but en soi… or elle n’est qu’un moyen de résoudre un problème et donc d’atteindre ce but!
Il s’agirait donc de savoir reproduire une gestuelle pour être performant !
On a longtemps cru qu’il suffisait d’apprendre les mouvements de la brasse à sec, allongé sur un tabouret pour ipso facto savoir nager… la réalité a vite démontré qu’il n’en était rien ! (Encore faut-il s’entendre sur ce que veut dire « savoir nager » !)
Les méthodes d’apprentissage dites actives sont apparues au début …du siècle dernier ! Les recherches les plus récentes en neurosciences viennent corroborer leur efficacité et ce n’est pas là leur seul intérêt dès qu’il s’agit aussi d’éducation.
Qu’est-ce qui peut donc justifier ce que tu qualifies, non sans raison, d’ « attitude régressive et nostalgique d’une époque pionnière »…
Je pense qu’il est important de chercher à comprendre ceux dont on ne partage pas l’avis.
Leur motivation s’appuie sur un constat et un ressenti qui évoquent la perte de repères de plus en plus marquée dans ce que nous considérons relever de notre culture judo. (En tant que jury kata, il n’est pas rare de constater que des candidats ne connaissent pas le nom des techniques,… parfois pas même le nom du kata qu’ils viennent d’exécuter…)
L’idée d’imposer une UV2 est alors perçue comme un moyen de lutter contre une perte du capital technique de notre patrimoine judo.
Est-ce que cette UV2 est la panacée pour venir enrayer ce phénomène ? On peut légitimement se poser la question ! Personnellement je n’en suis pas convaincu. Ce credo repose sur le fait que les 41 techniques en Tachi Waza et 23 techniques en Ne Waza rendront tout « bachotage de dernière minute » impossible et imposeront donc nécessairement d’intégrer toutes ces techniques tout au long du cursus d’apprentissage des élèves…
Que croit-on évaluer et qu’évalue-t-on vraiment ?
Dans le cadre d’un passage de grade de Ceinture Noire, nous souhaitons vérifier les acquisitions dans le triptyque Shin, Gi , Tai… de fait , le risque est grand d’évaluer des connaissances (surtout livresques) et son corollaire, la capacité de mémorisation des candidats!
Je voudrais terminer en rappelant combien je trouve la progression française de judo remarquable.
J’ai eu la chance de sortir de l’Ecole Normale en 79 pour intégrer l’Ecole de judo d’Orléans où j’ai pu retrouver sous la houlette d’André DELVINGT, l’application concrète de ces méthodes actives en parfaite osmose alors avec ma formation d’instituteur. Elle s’appuie en effet sur une méthode d’apprentissage enseignement qui fait la part belle à l’activité de l’élève en le rendant acteur et non plus consommateur de ses apprentissages. La prise en compte du rapport duo/duel et des interactions qui le régissent est bien présente. Cela fait bientôt 40 ans que je prends plaisir à enseigner le judo et cette progression reste une source d’inspiration pour moi.
Je te rejoins néanmoins lorsque tu parles d’approfondir certains aspects non traités ou pas assez traités par la progression française. La « situation problème » souvent utilisée est pertinente pour déclencher la mise en action de nos élèves et leur observation est souvent révélatrice de difficultés rencontrées. Mais elle n’indique en rien le travail à mener lorsque ces difficultés sont persistantes.
Quel travail de fond mener pour prendre davantage en compte les besoins identifiés ? J'ai beaucoup réfléchi à cette question et c’est un sujet passionnant sur lequel j’aurais plaisir à échanger avec toi.
Jean-Pierre DEFRANCE